Шарль Бодлер - Цветы зла Страница 32

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Шарль Бодлер - Цветы зла - читать книгу онлайн бесплатно, автор Шарль Бодлер

русский

XXIV

Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne,Ô vase de tristesse, ô grande taciturne,Et t'aime d'autant plus, belle, que tu me fuis,Et que tu me parais, ornement de mes nuits,Plus ironiquement accumuler les lieuesQui séparent mes bras des immensités bleues.

Je m'avance à l'attaque, et je grimpe aux assauts,Comme après un cadavre un choeur de vermisseaux,Et je chéris, ô bête implacable et cruelle!Jusqu'à cette froideur par où tu m'es plus belle!

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XXV

Tu mettrais l'univers entier dans ta ruelle,Femme impure! L'ennui rend ton âme cruelle.Pour exercer tes dents à ce jeu singulier,Il te faut chaque jour un cœur au râtelier.Tes yeux, illuminés ainsi que des boutiquesEt des ifs flamboyants dans les fêtes publiques,Usent insolemment d'un pouvoir emprunté,Sans connaître jamais la loi de leur beauté.

Machine aveugle et sourde, en cruautés féconde!Salutaire instrument, buveur du sang du monde,Comment n'as-tu pas honte et comment n'as-tu pasDevant tous les miroirs vu pâlir tes appas?La grandeur de ce mal où tu te crois savanteNe t'a donc jamais fait reculer d'épouvante,Quand la nature, grande en ses desseins cachés,De toi se sert, ô femme, ô reine des péchés,— De toi, vil animal, — pour pétrir un génie?

Ô fangeuse grandeur! Sublime ignominie!

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XXVI

SED NON SATIATA

Bizarre déité, brune comme les nuits,Au parfum mélangé de musc et de havane,Œuvre de quelque obi, le Faust de la savane,Sorcière au flanc d'ébène, enfant des noirs minuits,

Je préfère au constance, à l'opium, au nuits,L'élixir de ta bouche où l'amour se pavane;Quand vers toi mes désirs partent en caravane,Tes yeux sont la citerne où boivent mes ennuis.

Par ces deux grands yeux noirs, soupiraux de ton âme,Ô démon sans pitié! Verse-moi moins de flamme;Je ne suis pas le Styx pour t'embrasser neuf fois,

Hélas! Et je ne puis, mégère libertine,Pour briser ton courage et te mettre aux abois,Dans l'enfer de ton lit devenir Proserpine!

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XXVII

Avec ses vêtements ondoyants et nacrés,Même quand elle marche on croirait qu'elle danse,Comme ces longs serpents que les jongleurs sacrésAu bout de leurs bâtons agitent en cadence.

Comme le sable morne et l'azur des déserts,Insensibles tous deux à l'humaine souffrance,Comme les longs réseaux de la houle des mers,Elle se développe avec indifférence.

Ses yeux polis sont faits de minéraux charmants,Et dans cette nature étrange et symboliqueOù l'ange inviolé se mêle au sphinx antique,

Où tout n'est qu'or, acier, lumière et diamants,Resplendit à jamais, comme un astre inutile,La froide majesté de la femme stérile.

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XXVIII

LE SERPENT QUI DANSE

Que j'aime voir, chère indolente,              De ton corps si beau,Comme une étoffe vacillante,              Miroiter la peau!

Sur ta chevelure profonde              Aux âcres parfums,Mer odorante et vagabonde              Aux flots bleus et bruns,

Comme un navire qui s'éveille              Au vent du matin,Mon âme rêveuse appareille              Pour un ciel lointain.

Tes yeux, où rien ne se révèle              De doux ni d'amer,Sont deux bijoux froids où se mêle              L'or avec le fer.

À te voir marcher en cadence,              Belle d'abandon,On dirait un serpent qui danse              Au bout d'un bâton.

Sous le fardeau de ta paresse              Ta tête d'enfantSe balance avec la mollesse              D'un jeune éléphant,

Et ton corps se penche et s'allonge              Comme un fin vaisseauQui roule bord sur bord et plonge              Ses vergues dans l'eau.

Comme un flot grossi par la fonte              Des glaciers grondants,Quand l'eau de ta bouche remonte              Au bord de tes dents,

Je crois boire un vin de Bohême,              Amer et vainqueur,Un ciel liquide qui parsème              D'étoiles mon cœur!

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XXIX

UNE CHAROGNE

Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,              Ce beau matin d'été si doux:Au détour d'un sentier une charogne infâme              Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,              Brûlante et suant les poisons,Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique             Son ventre plein d'exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,           Comme afin de la cuire à point,Et de rendre au centuple à la grande nature         Tout ce qu'ensemble elle avait joint;

Et le ciel regardait la carcasse superbe              Comme une fleur s'épanouir.La puanteur était si forte, que sur l'herbe               Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,          D'où sortaient de noirs bataillonsDe larves, qui coulaient comme un épais liquide           Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague,              Ou s'élançait en pétillant;On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,              Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,              Comme l'eau courante et le vent,Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique              Agite et tourne dans son van.

Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,              Une ébauche lente à venir,Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève              Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète              Nous regardait d'un œil fâché,Épiant le moment de reprendre au squelette              Le morceau qu'elle avait lâché.

— Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,              À cette horrible infection,Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,              Vous, mon ange et ma passion!

Oui! Telle vous serez, ô la reine des grâces,              Après les derniers sacrementsQuand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,              Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté! Dites à la vermine              Qui vous mangera de baisers,Que j'ai gardé la forme et l'essence divine              De mes amours décomposés!

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XXX

DE PROFUNDIS CLAMAVI

J'implore ta pitié, toi, l'unique que j'aime,Du fond du gouffre obscur où mon cœur est tombé.C'est un univers morne à l'horizon plombé,Où nagent dans la nuit l'horreur et le blasphème;

Un soleil sans chaleur plane au-dessus six mois,Et les six autres mois la nuit couvre la terre;C'est un pays plus nu que la terre polaire;— Ni bêtes, ni ruisseaux, ni verdure, ni bois!

Or il n'est pas d'horreur au monde qui surpasseLa froide cruauté de ce soleil de glaceEt cette immense nuit semblable au vieux chaos;

Je jalouse le sort des plus vils animauxQui peuvent se plonger dans un sommeil stupide,Tant l'écheveau du temps lentement se dévide!

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XXXI

LE VAMPIRE

Toi qui, comme un coup de couteau,Dans mon cœur plaintif es entrée;Toi qui, forte comme un troupeauDe démons, vins, folle et parée,

De mon esprit humiliéFaire ton lit et ton domaine;— Infâme à qui je suis liéComme le forçat à la chaîne,

Comme au jeu le joueur têtu,Comme à la bouteille l'ivrogne,Comme aux vermines la charogne,— Maudite, maudite sois-tu!

J'ai prié le glaive rapideDe conquérir ma liberté,Et j'ai dit au poison perfideDe secourir ma lâcheté.

Hélas! Le poison et le glaiveM'ont pris en dédain et m'ont dit:"Tu n'es pas digne qu'on t'enlèveÀ ton esclavage maudit,

Imbécile! — de son empireSi nos efforts te délivraient,Tes baisers ressusciteraientLe cadavre de ton vampire!"

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XXXII

Une nuit que j'étais près d'une affreuse Juive,Comme au long d'un cadavre un cadavre étendu,Je me pris à songer près de ce corps venduÀ la triste beauté dont mon désir se prive.

Je me représentais sa majesté native,Son regard de vigueur et de grâces armé,Ses cheveux qui lui font un casque parfumé,Et dont le souvenir pour l'amour me ravive.

Car j'eusse avec ferveur baisé ton noble corps,Et depuis tes pieds frais jusqu'à tes noires tresses,Déroulé le trésor des profondes caresses,

Si, quelque soir, d'un pleur obtenu sans effortTu pouvais seulement, ô reine des cruelles!Obscurcir la splendeur de tes froides prunelles.

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XXXIII

REMORDS POSTHUME

Lorsque tu dormiras, ma belle ténébreuse,Au fond d'un monument construit en marbre noir,Et lorsque tu n'auras pour alcôve et manoirQu'un caveau pluvieux et qu'une fosse creuse;

Quand la pierre, opprimant ta poitrine peureuseEt tes flancs qu'assouplit un charmant nonchaloir,Empêchera ton cœur de battre et de vouloir,Et tes pieds de courir leur course aventureuse,

Le tombeau, confident de mon rêve infini(Car le tombeau toujours comprendra le poète),Durant ces grandes nuits d'où le somme est banni,

Te dira:"Que vous sert, courtisane imparfaite,De n'avoir pas connu ce que pleurent les morts?"— Et le ver rongera ta peau comme un remords.

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XXXIV

LE CHAT

Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux;           Retiens les griffes de ta patte,Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,            Mêlés de métal et d'agate.

Lorsque mes doigts caressent à loisir            Ta tête et ton dos élastique,Et que ma main s'enivre du plaisir           De palper ton corps électrique,

Je vois ma femme en esprit. Son regard,            Comme le tien, aimable bête,Profond et froid, coupe et fend comme un dard,

            Et, des pieds jusques à la tête,Un air subtil, un dangereux parfum,           Nagent autour de son corps brun.

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