Федор Тютчев - Том 4. Письма 1820-1849 Страница 47
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Что касается дел, то вот что предложил мне отец. Он теперь же передает нам в полную собственность две трети своего состояния, предоставляя поделить по своему усмотрению доходы с земель, которыми мы будем владеть сообща. Само собой разумеется, что, так как на брате будут лежать все обязанности и все бремя управления — я не премину предоставить ему значительную часть дохода, скажем — две трети. Остающаяся часть составит, по словам тех, кто знаком с нашими делами, никак не меньше 10–12 тысяч рублей в год. Такой порядок, впрочем, останется в силе лишь впредь до окончательной передачи наследства*, которое, разумеется, будет разделено по совсем иному принципу — по принципу полного равенства.
Вот как обстоят дела. Для завершения и закрепления предложенных условий остается только разрешить несколько чисто формальных и несложных вопросов. Теперь все зависит от доброй воли и умения брата. Пока что, мне кажется, он воодушевлен самыми лучшими намерениями. Он готов пожертвовать собой и целый год, а если нужно будет, то и больше, безвыездно прожить в деревне. Подчас он старается изменить свое отношение к отцу, лучше которого, право, нет человека на свете. И не сочти за тщеславие или самообольщение, если я скажу тебе, что для их примирения мое присутствие здесь было далеко не бесполезно. Оно дало и другой, не менее приятный результат — а именно: я изменил мнение о моем зяте. Право, я повинен перед ним, я ошибался на его счет. Это было вызвано, вероятно, тогдашними обстоятельствами и состоянием моего здоровья. Он далеко не интриган, как я думал раньше, два года назад он погубил себя во мнении правительства излишней прямотой и независимостью характера*. В подтверждение моих слов следовало бы привести некоторые подробности, но достаточно тебе знать, что сейчас, а также в отношении всех предстоящих хлопот, его поведение со всех точек зрения безупречно. Вот тебе добрые вести, не так ли?
Прощай, моя милая кисанька. Складываю это письмо, если только не вздумаю потом его продолжить.
Тютчевой Эрн. Ф., 13/25 июля 1843*
87. Эрн. Ф. ТЮТЧЕВОЙ 13/25 июля 1843 г. МоскваMoscou. Ce 25 juillet 1843
Je ne t’écris pas aujourd’hui. Je ne m’en sens pas le courage. Je suis tout démoralisé par ton silence. Voilà cinq à six jours que j’aurais du avoir de tes nouvelles. Je t’avais écrit de Varsovie en date de 24 du mois dernier. Cette lettre a dû te parvenir dans les tous premiers jours de juillet. Si tu y avais répondu sur-le-champ, j’aurais dû avoir la lettre depuis cinq à six jours. Je ne veux ni ne puis entendre raison sur les retards, pas plus que sur les coups de bâton qu’on me donnerait. Tout ce que je puis faire c’est de les subir en silence. Aussi je me tais. Mes affaires ici sont terminées. Mon père nous a cédé les 2/3 de son bien. Cela doit nous faire de 10 à 12 m<ille> fr<ancs> à chacun. De plus on me donnera à mon départ 3 m<ille> r<ou>bles pour payer mon voyage. Mais tout cela m’est fort indifférent. Rien n’indemnise de ce que je souffre en ce moment. A la garde de Dieu. T. T.
ПереводМосква. 25 июля 1843
Не пишу тебе сегодня. Не нахожу в себе мужества. Я в полном унынии от твоего молчания. Я должен был получить от тебя письмо уже пять или шесть дней назад. Я писал тебе из Варшавы 24-го числа прошлого месяца. Ты должна была получить это письмо в самые первые дни июля. Если бы ты тотчас ответила, я бы уже пять-шесть дней назад получил твое письмо. Я не хочу и не могу слышать ни о каких причинах такой задержки, это все равно что получать удары палкой. Все, что я могу сделать, это сносить их в молчании. Итак, я умолкаю. Дела мои здесь окончены. Отец уступил нам 2/3 своего имущества. Это должно составить 10–12 тысяч франков на каждого. К тому же он даст перед отъездом 3 тысячи рублей, чтобы оплатить мне проезд. Но это все мне совершенно безразлично. Ничто не вознаградит меня за то, что я переживаю в эти минуты. Храни тебя Господь. Ф. Т.
Тютчевой Эрн. Ф., 14/26-15/27 июля 1843*
88. Эрн. Ф. ТЮТЧЕВОЙ 14/26-15/27 июля 1843 г. МоскваMoscou. Ce 26 juillet 1843
Ma chatte chérie. J’avais bien raison de penser que l’explosion de mon humeur hâterait l’arrivée de ta lettre. Car cette chère lettre du 8 si impatiemment attendue, je l’ai reçue hier, deux heures après avoir fait porter la mienne à la poste. C’est ma mère qui est venue me la remettre en triomphe. J’ai bien sincèrement maudit, tu peux m’en croire, ce nouvel accès de tes sacrés rhumatismes qui ont eu la lâcheté de s’attaquer à toi, même en mon absence, et je suis parfaitement de ton avis qu’il faut leur faire une guerre à outrance, une guerre d’extermination. Aussi j’approuve très fort l’idée du voyage à Paris. Mais je prétends que tu ne l’entreprennes qu’à mon retour à Munich qui d’ailleurs ne se fera guères attendre, car je compte bien, Dieu aidant, pouvoir te rejoindre dans le courant de septembre.
Maintenant il serait à propos, je pense, de te donner quelques détails sur mon séjour d’ici. Tu sais que nous sommes arrivés ici le 8, précisément le jour, où tu as écrit ta lettre. Je ne hais pas ces coïncidences. Père et mère, prévenus depuis plusieurs jours de notre arrivée, avaient loué pour nous dans la maison, qu’ils occupent, un appartement au rez-de-chaussée* composé de trois chambres assez jolies, assez proprettes pour nous et d’une quatrième pour le fidèle Brochet, attenante à la mienne. La maison est située dans un quartier de la ville qui correspond parfaitement aux faubourgs extérieurs à Paris. C’est moins délabré toutefois et plus campagne. Nous avons voiture et chevaux à notre disposition absolue et exclusive.
Ma sœur et son mari demeurent dans le voisinage* et je dois convenir que j’ai été agréablement surpris du confort et de l’élégance de leur intérieur. Ils font d’ailleurs très bonne chère, et toute la famille y dîne deux ou trois fois par semaine. Mais même la cuisine paternelle s’est quelque peu améliorée, je t’ai déjà dit que le beau-frère s’est complètement réhabilité dans mon esprit. Il s’est montré très util et très secourable dans la grande affaire que nous venons de terminer, et la manière dont il s’y est employé suffirait seule pour conjurer tous les soupçons que j’avais conçu contre lui. C’est d’ailleurs un homme d’esprit et d’une vitalité inépuisable. Quant à ma sœur, qui se recommande tout naturellement à ton intérêt par la ressemblance qu’on dit très grande entr’elle et moi, est en ce moment dans la lune de miel de sa maternité. Son enfant l’absorbe entièrement et promet de devenir un gros garçon, pas joli, mais très robuste. Ma mère est toujours, comme tu l’as pressenti, roulée en boule sur son canapé. Je lui ai lu la phrase qui la concerne dans ta lettre, et elle y a été fort sensible. Elle me questionne beaucoup sur ton sujet et sympathise avec toi ses paroles. Sa chimère, c’est de te voir un jour en chair et en os, arrivant chez eux à la campagne avec Mlle Marie et Dmitri ou plutôt arrivant chez toi, car te voilà devenue, sans t’en douter, propriétaire terrienne en Russie, maîtresse absolue de quelques trois à quatre cents paysans. Ma pauvre mère me fait vraiment de la peine. Il est impossible d’aimer ses enfants avec plus d’humilité qu’elle ne fait. C’est à peine si elle se permet d’exprimer le vœu de voir mon séjour se prolonger parmi eux, et elle fait semblant de croire, plutôt qu’elle ne croit en effet aux espérances que je lui donne d’une nouvelle entrevue pour l’année prochaine. Quant à mon père, il a mis tant de bonne grâce dans la cession qu’il vient de nous faire qu’il a entièrement justifié l’opinion que j’avais toujours qu’il n’y avait dans sa conduite à notre égard qu’un malentendu résultant de notre longue absence et de nos paresses respectives. Je le trouve moins vieilli, moins affaissé qu’il ne m’a paru au premier moment. Ses goûts et ses allures sont toujours les mêmes et offrent toujours la même prise au sarcasme de mon frère. C’est lui, pauvre garçon, que je plains de toute mon âme, car le voilà obligé de se réjouir et de se montrer reconnaissant d’un arrangement qu’il accepte, au fond du cœur, comme un arrêt d’exil. Ta sagacité ordinaire ne t’a pas trompé quand tu me soutenais que le séjour en Russie lui était plus contraire encore qu’à moi. Il en est ainsi en effet. Lui, si peu difficile à l’étranger sur le chapitre de l’élégance et du confort, se montre ici d’une exigence implacable, il déploie une verve de dépréciation qui serait remarquable même dans le feuilleton littéraire. En revanche il est tout tendresse et tout affection pour les marques de souvenir qui lui viennent de toi, et tel est le besoin qu’il éprouve de se rattacher à la vie qu’il a mené auprès de nous, qu’en me parlant des travaux qu’il va entreprendre à la campagne, il ne manque jamais d’y mêler l’idée de l’avenir de Dmitri et se complait dans la supposition de la belle fortune que lui et moi nous lui laisserons un jour. Il s’est fait lui lire hier ta lettre toute entière, et tu ferais une chose aimable, en lui en écrivant une, comme tu sais les écrire, quand tu es en verve de gracieuseté. Tu ferais bien d’y ajouter aussi quelques mots pour maman et pour ma sœur. Mais c’est probable que ce chef-d’œuvre ne me trouvera plus à Moscou.
En dehors de la famille il y a des tantes, des cousines, etc. etc., qui au premier moment avaient surgi comme des fantômes, mais qui petit à petit ont révélé les formes et les couleurs de la réalité. J’ai retrouvé aussi parmi mes camarades d’université quelques hommes qui se sont fait un nom dans la littérature et sont devenus des hommes réellement distingués*. Le soir nous allons souvent au théâtre. Il y a ici une troupe française passable et une troupe russe, tellement bonne que j’en ai été confondu de surprise. Paris excepté, il n’y a certainement pas une troupe à l’étranger qui puisse rivaliser avec celle-ci. Cela tient évidemment à la race, car j’ai retrouvé la même supériorité de jeu dans les acteurs du théâtre polonais à Varsovie.
Ce 27. Jeudi.
Ma chatte chérie, me voilà de nouveau occupé à t’écrire. Mais l’idée qu’il y a 18 jours et plus de la moitié de l’Europe entre le bec de ma plume et le premier regard que tu laisseras tomber sur ces lignes, cette conviction est plus que saisissante pour glacer une veine épistolaire, comme la mienne. Il faut à la pensée de l’homme une ferveur presque religieuse pour ne pas se laisser accabler à cette terrible idée de la distance. Hier, en te quittant, je suis allé dîner au club. Il y a ici plusieurs clubs dans le genre de ceux de Londres et dont quelques-uns sont montés sur un pied tout à fait grandiose. On y dîne, on y joue aux cartes et on y trouve une collection de journaux russes et étrangers, livres, brochures, etc. Ce sont en ce moment les seuls points de réunion qu’il y ait, car la plus grande partie de la société a déjà quitté la ville. Le théâtre est peu suivi, les promenades sont aussi peu, bien qu’il y en ait des charmantes. Mais c’est la ville elle-même, la ville dans son immense variété que je voudrais pouvoir te montrer, toi qui vois tout, que de choses ne verrais-tu pas ici! Comme tu sentirais d’influent, ce que les anciens appelaient le génie du lieu, planant sur cet entassement grandiose des choses les plus variées, les plus pittoresques. Il y a je ne sais quoi de puissant et de serein, répandu sur cette ville.
Peste soit des interruptions. Il y a eu entre cette ligne et la précédente une visite paternelle qui a duré une heure et demie et qui a mis en complète déroute toutes les belles choses que j’avais à te dire.
Ma chatte chérie, quand tu recevras cette lettre, je serai sur le point de quitter Moscou. Ainsi je préviens qu’à partir du 15 août tu feras bien de m’adresser tes lettres à Pétersbourg, en les recommandant à Stieglitz. Ici tout conspire à abréger mon séjour, et je crois que mon père lui-même tout affligé qu’il sera de me voir partir, attend avec quelque impatience le moment où il pourra s’en aller d’ici. J’ignore, combien de temps je resterai à Pétersbourg. Cela dépendra des chances que j’y rencontrerai. Dans tous les cas j’espère et je compte y avoir fini mes affaires assez tôt pour être rendu à Tegernsee bien avant l’époque que tu as fixée pour entreprendre ton voyage de Paris. Je te défends par conséqu<ent> de songer à le faire seule. En attendant, soigne bien ta santé, cette sacrée santé qui te débraie chaque instant. Mille tendresses les plus tendres à ton frère et à sa femme. Il est entendu qu’elles sont accompagnées de tant de vœux pour l’excellent résultat de la grossesse*. Mes hommages à Casimire et ajoute y, je te prie, quelque phrase spirituellement tendre que j’ai pas le temps d’élaborer. J’avais encore un volume des choses dans la plume, mais grâce à l’interruption elles s’y sont desséchées. Il n’y reste que deux baisers bien paternels pour Marie, le Herzblättchen, et un autre pour Dmitri. Tout à toi, ma chatte.
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